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Deus absconditus, anno 100, n. 1, Gennaio-Marzo 2009, pp. 48-58
Sr. Marie-Cécile Minin osb ap
L’incorporation au Christ,
base de la doctrine eucharistique
de
Mère Mectilde de Bar
Mère Mectilde du Saint-Sacrement, Catherine de Bar, compte « parmi les auteurs spirituels les plus importants, sinon les plus célèbres, du Grand Siècle des âmes, elle qui n’a cessé, dans ses conférences, ses entretiens familiers et ses quelques trois mille lettres, d’enseigner la doctrine de l’Église touchant le sacrement de l’autel et d’en promouvoir de toutes ses forces la dévotion » [1].
Etroitement liée à l’Ecole Française, la doctrine spirituelle de Mère Mectilde du Saint-Sacrement (1614-1698), rejoint celles de Pierre de Bérulle (1575-1629) et de Charles de Condren (1588-1641). Mais on y découvre aussi des liens avec Jean-Jacques Olier (1608-1657) et saint Jean Eudes (1601-1680).
Si Mère Mectilde n’a pas connu personnellement Condren, deuxième Supérieur de l’Oratoire, non seulement elle a lu sa vie, mais elle en conseille la lecture :
« Nous avons céans – écrit-elle à Madame de Rochefort – la vie de Monsieur de Condren. Je l’ai prêtée à un ecclésiastique ; je la ferai demander pour vous la donner. Ce grand saint était une digne victime ; il l’a été vivant et mourant. » [2]
Mère Mectilde a une bonne connaissance des ouvrages de Condren. On en trouve la trace au chapitre 6 du « Véritable esprit » : « Des dispositions que l'on doit avoir en approchant de la sainte Communion »[3], adaptation d’un texte de Condren.
Elle se réfère aussi à lui dans une conférence en 1694 qui laisse entrevoir combien la lecture de Condren a alimenté la vie spirituelle de Mère Mectilde :
Monsieur de Condren fait une remarque et demande d’où vient que dans les grandes fêtes et les grands mystères l’on est souvent dans les ténèbres et sécheresses intérieures. Il répond à sa question et dit ; c’est que notre raison veut pénétrer dans le mystère et le comprendre, et comme elle ne peut y avoir entrée, cela étant au-dessus de sa capacité, voilà ce qui fait nos ténèbres. N’entrons jamais dans les ténèbres que par la pure foi [4].
Lorsque la comtesse de Châteauvieux rend visite en août 1641 aux bénédictines lorraines réfugiées à Paris, c’est Madame Charlotte de Ligny, parente de Olier, qui l’accompagne.
Mère Mectilde a rencontré plusieurs fois Jean-Jacques Olier.
En 1646, Olier souhaite que Mère Mectilde prenne la direction des religieuses de Liesse qu’il veut introduire dans la paroisse Saint-Sulpice dont il est le curé. C’est aussi sur le territoire de cette paroisse que se situe d’abord le monastère de la rue Férou, puis celui de la rue Cassette.
En 1657, Mère Mectilde réunit au parloir un groupe de « serviteurs de Dieu », dont Olier [5]. Elle conseille aussi la lecture de ses ouvrages à la Comtesse de Châteauvieux :
Lisez Monsieur Olier – lui écrit-elle – et vous en servez comme vous pourrez en attendant que Notre-Seigneur fasse autre chose [6].
La méditation de l’ouvrage de Mère Mectilde « Le Véritable esprit des Religieuses adoratrices perpétuelles du Très Saint-Sacrement de l’Autel » [7] peut être entreprise sous plusieurs angles. Nous en avons choisi trois, à savoir : l’union du chrétien à Jésus hostie et victime ; l’appartenance au Corps mystique du Christ ; l’union à Jésus Christ, vie de l’âme.
Nous en proposons ici la relecture sous l’éclairage des maîtres de l’Ecole Française.
Jésus Hostie et Victime
Pierre de Bérulle considère Jésus Christ en tant que prêtre qui s’offre éternellement devant Dieu en état d’hostie :
Il est – écrit-il – ici et prêtre pour l’éternité : Sacerdos in aeternum et hostie éternelle, puisque jusque dans le ciel et dans l’état de la gloire, il y est comme agneau et agneau de Dieu ; (…) Et ce même prêtre qui s’offre éternellement à Dieu en état d’hostie dans le ciel, a voulu demeurer en la terre et sur nos autels, et s’y offrir par nos mains à la majesté de Dieu son Père en cet état d’hostie [8].
Au chapitre 18 du « Véritable Esprit » Mère Mectilde considère, elle aussi, les états de Jésus dans le Saint-Sacrement [9]. Elle a été saisie par le Christ anéanti dans l’hostie, ce qui va être l’amorce d’une série de considérations sur « l’état d’hostie ». A chaque état considéré est associé une disposition intérieure en vue de la réparation.
Chaque âme – écrit-elle – a relation, par état, à Jésus dans l'Hostie, il le faut prier qu'il nous donne lumière, pour y connaître le nôtre et nous y lier amoureusement et constamment, quoiqu'il soit des plus rudes, et qu'il crucifie la nature ; c'est assez, pour avoir du courage, de voir que c'est Jésus anéanti dans ce divin Sacrement, qui nous le prépare, qui nous l'applique, et qui nous mérite la grâce d'en faire un usage saint. Or, pour le bien comprendre, il faut savoir quelque chose des états qu'il y porte, et comment l'âme y participe [10].
Ainsi, l’âme qui est appelée à rendre hommage à Jésus Hostie doit se rendre elle-même une Hostie. Relisons tout le passage :
L'âme qui rend hommage à cet état, doit se rendre elle-même une Hostie, par les deux qualités qu'elle porte de blancheur et de rondeur. La première marque la pureté et l'innocence ; la seconde fait son cercle, et Jésus le point ou le centre, où toute la circonférence doit aboutir ; ainsi l'Hostie ne peut être divisée, elle est pour Dieu seul ; l'âme aussi ne se peut partager, elle doit être uniquement et tout entière à Jésus [11].
Dans ses conférences Mère Mectilde tient un langage qui peut sembler extrême. Ainsi elle relève :
« La victime e" est sacrifiée et égorgée pour confesser, par sa mort, l’être infini de Dieu, avouant que lui seul est : et l’holocauste par sa consommation, rend hommage à toutes les perfections de Dieu » [12].
Pourtant Mère Mectilde est proche en cela de la manière de s’exprimer de Jean-Jacques Olier :
Notre Seigneur – écrit celui-ci – ne se contente pas de s’immoler sur la croix par amour de son Père. Cela ne suffit pas à son amour de consumer sa vie, puisqu’il reste encore en lui quelque chose de l”être de sa première génération, ayant encore le corps entier qu’il a reçu de sa mère. Il faut qu’il se consume entièrement à al gloire de son Père. Il faut que tout ce qu’il a de sa première génération soit consommé pour Dieu. Pour cela le sacrifice de la croix, qui complète le prix de notre rédemption, n’est pas le terme de la religion de notre Seigneur, qui n’est pas satisfait tant qu’il n’a pas sacrifié, anéanti et consumé entièrement tout ce qui est sien et de son propre état primitif à la gloire de son Père, exactement comme cela advenait un temps pour le sacrifice complet de l’holocauste, où toute la victime était consumée par le feu. Il n’était pas suffisant qu’une telle victime ait été égorgée et ait versé tout son sang. Il fallait qu’elle passe toute entière par la nature du feu, qui représente Dieu [13].
Pendant la retraite de 1661/1662 Mère Mectilde met par écrit ses considérations sur le néant de la créature, qui seront ensuite incorporées au chapitre 1 du Véritable esprit :
« Tous les êtres créés se corrompent et se détruisent par la succession des siècles, confessant par leur destruction, que Dieu seul existe par lui-même »[14].
Dans son ouvrage, L’idée du sacerdoce et du sacrifice de Jésus-Christ, Charles de Condren utilise la même densité d’expression :
Le sacrifice – écrit-il – répond (…) à tout ce que Dieu est. C’est un devoir essentiel de la religion, comme la religion envers Dieu est une obligation que la créature raisonnable porte inscrite au fond de son être. (…) Le sacrifice est avant tout institué pour adorer Dieu, reconnaître sa grandeur et rendre honneur à ses perfections divines, mais en particulier à trois. En premier lieu pour honorer la sainteté de Dieu… C’est pour déclarer que la créature n’est pas digne que Dieu la regarde, tant il est saint, qu’elle est détruite et consommer en sa présence… en second lieu le sacrifice est pour reconnaître et honorer la plénitude de Dieu, c’est-à-dire que dieu se suffit à lui-même et que aucune créature ne lui est nécessaire [15].
Chez Charles de Condren, l’adoration s’exprime par le sacrifice, l’immolation, l’état d’hostie. L’anéantissement XE "anéantissement" , thème important de la spiritualité mectildienne, appartient au vocabulaire de Condren qui propose une doctrine de sacrifice total d’adoration. En disciple de Bérulle, il entre dans la spiritualité de l’Incarnation et médite sur Jésus en sa qualité de victime X qui, par son immolation, répond au dessein d’amour du Père [16].
Mère Mectilde attache une grande importance à l’état victimal et elle n’hésite pas à rappeler :
Jésus, la parfaite et unique victime du divin amour, a vécu trente trois ans dans cette vie de mort, mourant à chaque moment de sa vie. (…) suivez-le dans sa course. Qui l’a destiné à ce précieux état de victime ? C’est le Père éternel. Qui vous y destine ? C’est Jésus [17].
Elle fait aussi entrevoir à ses auditrices la certitude que donne la fidélité à la vocation victimale :
Si vous vivez dans le véritable esprit de victime, toujours immolées, toujours sacrifiées pour la gloire "gloire" et l’amour de Jésus-Christ au Très Saint-Sacrement, vous serez comblées de joie en mourant, parce que vous aurez rempli la grâce de votre vocation. Vous aurez eu rapport et union à Jésus-Christ, sacrifié et immolé sur l’autel. Vous n’aurez rien que de son esprit, de sa grâce, de son amour ; enfin vous serez infiniment heureuses d’avoir honoré par votre fidélité X les états X et les vertus qu’il pratique dans son adorable sacrement [18].
Dans sa correspondance avec la comtesse de Châteauvieux, Mère Mectilde cite de larges extraits de « La Vie et le Royaume de Jésus dans les âmes chrétiennes » de Jean Eudes. Celui-ci fait la même constatation que Mère Mectilde en des termes quasi identiques :
Nous faisons profession d’être des hosties et des victimes sacrifiées continuellement à la gloire de Dieu. (…) A cause de cela, nous sommes obligés de glorifier et d’aimer dieu avec toute les puissances de notre corps et de notre âme, à le faire glorifier et aimer pour ce qui nous est possible, à ne chercher en toutes nos actions et en toutes les choses rien d’autre sinon sa pure gloire et son pur amour, en vivant de manière à ce que toute notre vie soit un continuel sacrifice de louange et d’amour envers lui, et en nous tenant prêt à être immolés, consumés et anéantis pour sa gloire[19].
Pierre de Bérulle a introduit à l’Oratoire un vœu de servitude à Marie et à Jésus. Jean Eudes a prononcé le vœu de martyre, Mère Mectilde propose celui de victime X " :
Vous voilà donc toutes engagées a être faites les victimes de Jésus pour réparer en union à la sainteté de Dieu les outrages qu’il reçoit du péché, se donnant à sa divine justice pour satisfaire pour les pécheurs et profanateurs du Très Saint-Sacrement [20].
On voit aussi comment Mère Mectilde rejoint tant le Père de Condren que Jean Eudes ou Bérulle. Comme eux, elle centre sa doctrine eucharistique sur le sacrifice du chrétien uni à celui du Christ. Chaque âme est en rapport à Jésus dans l’hostie selon l’un de ces états. Toute cette dynamique spirituelle s’opère dans l’Eglise et comme Eglise.
Le Corps mystique du Christ
L’attitude d’offrande chrétienne n’est donc pas un acte isolé mais s’inscrit dans la dimension ecclésiale du Corps mystique du Christ, comme le relève Mère Mectilde à propos de la participation à la messe, proposant en quelque manière une participation active comme membre unis à la tête:
Jésus, comme Chef des Chrétiens, y étant immolé pour tous, je suis persuadée que nous sommes obligées d’y assister comme membres unis à leur chef, et que par conséquent, nous y devons porter non seulement l’intention d’entendre la sainte Messe, mais une application formelle à ce que fait Jésus-Christ qui nous y sacrifie avec lui. [21]
On retrouve cette dimension ecclésiale chez Condren :
Ricordatevi che il sacrificio che offrite non è solitariamente il sacrificio del Figlio di Dio, ma è il sacrificio del capo e delle membra [22].
Dans une conférence la veille de Noël 1693, Mère Mectilde développe sa pensée sur le Corps mystique du Christ :
Jésus-Christ est le Chef de l’Eglise, elle en est le corps et tous les fidèles les membres ; or comme vous savez, les membres doivent avoir rapport à leur chef ; ils en doivent être aimés et en tirer leurs influences et leurs mouvements. Si bien, mes sœurs, que Jésus-Christ étant notre Chef adorable, nous devons être animés de lui, n’agir et n’opérer que par sa grâce et sa lumière et surtout avoir rapport à lui. Comment cela ? En portant ses états par pratique et conformité de vie. Chaque âme en honore quelqu’un : les unes ses délaissements ; d’autres les autres états qu’il a portés, ainsi du reste. [23]
Et elle rejoint en cela Condren :
Jésus Christ – écrit-il – s’offre et offre avec soi-même tous les saints, comme ses membres, à la très sainte Trinité, et les saints s’offrent aux-aussi et avec eux-mêmes offrent Jésus Christ leur chef, par Jésus-Christ, avec Jésus-Christ et en Jésus-Christ lui-même [24].
Mère Mectilde médite de nouveau sur le corps mystique du Christ au chapitre 8 du « Véritable esprit » :
Jésus-Christ dans le très saint Sacrement conserve ce désir, il n’est pas encore rassasié, il dira jusqu’à la consommation des siècles desiderio desideravi. Et tant qu’il y aura une âme sur la terre capable de sa grâce, il sera dans un désir infini de l’attirer à son amour, en mangeant la Pâque eucharistique avec elle. Oh ! qui pourrait comprendre l’ardeur de Jésus, il pâmerait d’étonnement, de voir l’excès de la charité divine. Ce n’est pas le besoin qu’il a de nous pour la gloire de son Père ; mais c’est qu’il nous aime en vérité, c’est qu’il n’estime pas son bonheur, si nous n’y avons part ; et parce qu’il nous regarde comme les membres de son Corps mystique, il ne peut être satisfait que nous ne soyons unies et transformées en lui ; il s’écrie sur nous, en nous regardant de son trône eucharistique, desiderio desideravi.[25]
A la suite de ces grandes figures spirituels du XVIIème siècle Mère Mectilde apparaît comme forgée par une expérience radicale de la grandeur de Dieu d’une rare profondeur et la conscience de sa propre petitesse cependant offerte au Père en Jésus-Christ.
Si Mère Mectilde considère longuement les états de Jésus au Saint Sacrement, si elle invite ses sœurs « être animés de lui, n’agir et n’opérer que par sa grâce et sa lumière et surtout avoir rapport à lui », elle cherche aussi à faire découvrir combien Jésus Christ est l’unique vie de l’âme.
Il est vrai, mes Sœurs, et vous ne l'ignorez pas, que votre profession vous oblige à vivre désormais dans un perpétuel état de mort, vous en avez fait un serment solennel et irrévocable, il n'y a point d'appel ni de dispense de cette obligation ; il vous fait assujettir à la sentence que saint Paul vous annonce de la part de Dieu. Vous êtes mortes, et votre vie est cachée avec Jésus-Christ en Dieu ; si votre vie est ensevelie dans Jésus, vous ne devez plus paraître avoir nul mouvement de vie. Jésus seul doit paraître vivant, puisqu'en vérité il est l'unique vie, et source de vie [26].
Cet état perpétuel de mort à soi-même pour que vive Jésus-Christ est une caractéristique du message chrétien, comme le remarque Pierre de Bérulle :
Nous devons demander à Dieu cet état et cet esprit de mort, puisqu’il est nécessaire pour donner espace à la vie de Jésus qui ne s’établira e, nous tant que nous ne serons pas morts à nous-mêmes. La dévotion à la mort de Jésus est le plus grand moyen pour obtenir cette grâce, puisque sa mort est source de cet esprit de mort, et nous mérite et opère en nous telle grâce[27].ADVANCE \d 3"
Et il précise :
Après la renonciation à nous-même comme au plus grand empêchement que la vie de Jésus puisse avoir en nous, il nous est nécessaire de nous appliquer aux sources de la vie de Jésus même, parce que c’est d’elle que nous devons attendre cet effet de vie [28].
A côté d’un mode d’expression mortifère l’utilisation surabondante du mot « vie » dans les écrits de Mère Mectilde met en lumière l’orientation positive de sa spiritualité. A la suite de de saint Paul, le binôme mort/vie a une grande importance chez Mère Mectilde. Une conférence déjà mentionnée donne la clé de compréhension du mot « vie » chez Mère Mectilde. Au chapitre 11 du « Véritable esprit » elle conclut :
(…) Vous êtes morte, parce que Jésus seul est vivant : la vue continuelle de votre rien vous tient dans la mort très facilement, si vous êtes fidèles à suivre l'attrait qui se fait ressentir au fond de l'âme ; vivant ainsi, l'on peut dire que vous ne vivez point. O heureuse mort qui donne la vie à Jésus ! [29]
Là aussi on reconnaît la pensée bérulienne :
Voilà donc – écrit Bérulle –les effets auxquels nous devons tendre avec toutes nos forces. Avant tout la mort de nous-mêmes en nous-mêmes ; en deuxième lieu, la vie de Jésus en nous, puisque cette mort ne tend qu’à cette vie, et elle ne peut être opérée et consolidée parfaitement qu’à travers cette même vie ; en troisième lieu, Jésus Christ notre Seigneur, vivant ainsi en nous, veut s’approprier tout ce qui est nôtre, corps et âme, et ne se l’appropriant, il ne supporte pas que quelque chose de nous ait vie sion dans son esprit, à l’exception de ce que nous devons tolérer, avec patience et sans adhésion volontaire, de la vie misérable d’Adam et de nous que Dieu veut détruite avec lui [30].
De même au chapitre 12 :
Il faut donc que l'âme demeure toujours dans la mort, jusqu'à ce qu'elle soit passée en Jésus-Christ, comme en la source de la vie, et qu'elle attende qu'il se produise lui-même en elle comme vie [31].
Le message de Mère Mectilde du Saint-Sacrement, peut se résumer ainsi. En Jésus l’humanité est à la fois réconciliée et recréée. Le but poursuivi est la communion totale avec le Père en Jésus-Christ et la voie à prendre est celle de l’anéantissement total de soi à la suite du Christ, sous la motion de l’Esprit Saint. Voilà pourquoi Mère Mectilde peut dire : « Jésus seul doit paraître vivant, puisqu'en vérité il est l'unique vie, et source de vie ».
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La spiritualité de Mère Mectilde du Saint-Sacrement trouve donc un solide fondement dans l’Ecole française et on ne peut comprendre la doctrine spirituelle de Mère Mectilde qu’en référence à ce courant de spiritualité du XVIIème siècle. Mère Mectilde apparaît comme un point de rencontre entre Bérulle, Condren, Jean Eudes et Olier, qui, s’il est demeuré longtemps caché, inconnu, n’en devient que plus lumineux au fur et à mesure de la découverte de l’extraordinaire richesse doctrinale de la Fondatrice d’une « Ecole de spiritualité bénédictine », pour reprendre une expression appliquée par dom Jean Leclercq à notre charisme, toujours présente et active en notre temps.
[1] Joseph Daoust, Le Message eucharistique de Mère Mectilde du Saint-Sacrement, Téqui, 1981, p. 7. Pour mieux comprendre le climat culturel qui, non seulement a précédé Mère Mectilde du Saint-Sacrement, mais aussi, où elle s’est exprimée, il convient de se reporter à l’ouvrage de Joseph Daoust Le Message eucharistique, o. c., p. 7 à 20.
[2] Cf. Darriceau Raymond, « Une correspondance spirituelle au XVIIe siècle : la Mère Mectilde, fondatrice des Bénédictines du Saint Sacrement (1614-1698) et Madame de Rochefort (1614-1675) », in Revue d’ascétique et de Mystique, n° 133, Janvier-Mars 1958, Lettre 1. Le Père Amelote avait publié la biographie de Condren en 1645. Cf. Amelote D, La Vie du P. Charles de Condren, Paris, 1645, 2 vol. qui fut rééditée en 1657.
[3] Catherine de Bar, Une amitié spirituelle au Grand Siècle, Lettres de Mère Mectilde de Bar à Madame de Châteauvieux, Téqui, 1989, p. 197.
[4] N° 503, Conférence de la veille de Noël de l’année 1694 (24/1).
[5] Mère Marie-Véronique Andral, Catherine de Bar, Mère Mectilde du Saint-Sacrement, 1614-1698, Itinéraire spirituel, 1ère édition, Rouen, 1990, p. 93. Voir aussi Catherine de Bar, Mère Mectilde du Saint-Sacrement, Documents historiques, Rouen, 1973, p. 80.
[6] Cité d’après Mère Marie-Véronique Andral, « Mère Mectilde du Saint-Sacrement » dans Catherine de Bar, Une âme offerte à Dieu en Saint-Benoît, Collectif, Téqui, 1998, p. 138.
[7] Le Véritable esprit des Religieuses adoratrices perpétuelles du Très Saint-Sacrement de l’Autel, Paris, 3ème édition.
[8] Pierre de Bérulle, Œuvres de Piété, LXXX 1, cité d’après Fernando Guillen Preckler, « Etat » chez le Cardinal de Bérulle, théologie et spiritualité des « états » bérulliens, Analecta Gregoriana vol. 197. Series Facultatis Theoogicae : Sectio B, n. 63, Università Gregoriana Editrice, Roma, 1974, p. 211.
[9] Catherine de Bar, Mère Mectilde du Saint-Sacrement, Documents historiques, o. c., p. 128 à 143.
[10] Le Véritable Esprit, o. c., ch. 18, p. 210.
[11] Le Véritable Esprit, o. c., ch. 18, p. 227.
[12] N° 3062 X" , Chapitre sur la victime et l’holocauste, (CC 253/1).
[13] Jean-Jacques Olier r" , Divers écrits, II, p. 157-158, cité par Raymond Deville, o. c., p. 68. [Notre traduction]
[14] Cf. Le Véritable Esprit, o. c., ch. 1. Il est intéressant de relever ici l’expérience de la grandeur de Dieu faite par Thomas Merton et exprimée par le même concept : « Les choses du Temps sont en connivence avec l’éternité. Les ombres te servent. Les bêtes sauvages chantent pour Toi avant de mourir Les collines solides maintenant se défont comme un habit abîmé. Les choses changent, meurent, disparaissent », in Thomas Merton Il segno di Giona, Garzanti Elefanti, 2001, p. 415. [Notre traduction]
[15] Charles de Condren, L’idée du sacerdoce et du sacrifice de Jésus-Christ, cité par Raymond Deville, o. c., p. 67-68. [Notre traduction]
[16] François Monfort, Petite Vie de Pierre de Bérulle, Desclée de Brouwer, 1997, p. 96 .
[17] N° 1872, Des dispositions d’une victime, (CC 256/1).
[18] N° 1752 X" , Chapitre sur l’état de victime, Surveille [=avant veille] de la Toussaint, 1693, (CC 250/3).
[19] Jean Eudes, La Vie et le Royaume de Jésus dans les âmes chrétiennes, cité par Raymond Deville, o. c., p. 104. [Notre traduction]
[20] N° 196, Chapitre sur l’excellence et les obligations de notre saint Institut, (CC 249/1).
[21] Le Véritable Esprit, o. c., ch. 4.
[22] Charles de Condren, L’idée du sacerdoce et du sacrifice de Jésus-Christ, cité par Raymond Deville, o. c., p. 70. [Notre traduction]
[23] N° 2484 X Conférence de la surveille de Noël 1693 (CC 18/3).
[24] Charles de Condren, cité par Raymond Deville o. c., p. 68. [Notre traduction]
[25] Le Véritable Esprit, o. c., ch. 8.
[26] Le Véritable esprit, o. c., ch. 11, p. 160-161.
[27] Pierre de Bérulle, Œuvres de Piété, cité par Raymond Deville, o. c., p.192. [Notre traduction]
[28]Id.. p.192. [Notre traduction]
[29] Le Véritable esprit, o. c., ch. 11, p. 162.
[30] Pierre de Bérulle, Œuvres de Piété, cité par Raymond Deville, o. c., p.192-193. [Notre traduction]
[31] Le Véritable esprit, o. c., ch. 12, p. 170.